C'est le moyen pour moi d'échanger sur la Chine, de faire partager mes voyages en Chine, des lectures sur la Chine, des analyses, des impressions, d'aller au-delà des peurs qu'inspire ce grand pays si entreprenant en essayant de comprendre ses propres craintes, ses propres défis mais aussi de pointer les questions qu'il soulève. Nous aurons peut-être ainsi l’occasion de faire un bout de chemin ensemble.
À Quanzhou (Fujian), le terme qui désigne les marionnettes à fils, ka-lé (kuilei en mandarin) veut dire aussi « cérémonie du bonheur » (jiali en mandarin). Avec elles, nous remontons aux sources rituelles de l’opéra chinois.
Au-delà des célèbres ombres chinoises, la marionnette est utilisée en Chine depuis deux mille ans sous ses variantes universellement répandues, à baguettes, à gaine et à fils.
Quanzhou est l’ancienne Zaytoun (l’olivier en mandarin), alors l’un des plus grands ports du monde. C’était une ville cosmopolite qui accueillait bouddhistes et musulmans, marchands venus d’Asie centrale ou d’Inde, de la péninsule Arabique ou vénitiens. La mer s’est ensuite retirée au profit de Xiamen (Amoy). Marco Polo et Ibn Battuta y séjournèrent.
Quanzhou, dont la langue, le minnanhua ou Hokkien n’est pas comprise par les populations alentour, s’est alors repliée sur sa culture locale. La ville conserve dans ses arts et ses légendes des traditions oubliées ailleurs qui remonteraient en partie à l’époque des Tang (VIIe-Xe s.).
Quanzhou est célèbre pour la délicatesse de ses petites marionnettes à gaine, mais ses marionnettes à fils lui ont attiré une notoriété nationale au XIXe siècle.
Une tête en bois emmanchée d’un long coup, un corps marqué par une armature suspendue, des bras, des jambes et des mains articulés, un fin visage enfin dont la mâchoire, les yeux, la langue, peuvent bouger, font de ces marionnettes de véritables œuvres d’art et de précision. Certaines comptent plus de cinquante fils.
Selon le spécialiste des marionnettes de Quanzhou François Picard, le répertoire inclut des pièces mythologiques, des aventures guerrières et des mélodrames. Les troupes, comme celle des « Quatre beautés », pouvaient compter une quarantaine de pièces à leur répertoire. Elles s’accompagnaient de musique traditionnelle : hautbois, luth à quatre cordes, vièle à deux cordes, gong et tambour, cymbales et clochettes.
« Au-delà de la distraction qu’il peut apporter et de ses attraits esthétiques, cet art reste une expression de la pensée chinoise la plus ancienne et la plus profonde, reflétant les valeurs morales, philosophiques et religieuses d’un peuple. En tant que spectacle, il s’adresse directement au Ciel et aux divinités auprès desquelles les marionnettes intercèdent pour porter secours et assistance aux humains », écrit Lucie Rault-Leyrat, dans les Cahiers d’ethnomusicologie.
Aujourd’hui, les troupes de marionnettes continuent à Quanzhou de participer à la vie culturelle et artistique alors qu’à Taïwan, où ce type de spectacle existait, elles ont pratiquement disparu.
Notre conseil : Si vous avez l’occasion d’assister à une représentation d’une troupe de marionnettes de Quanzhou, n’hésitez pas. C’est un spectacle époustouflant !
EN SAVOIR PLUS :
http://www.youtube.com/watch?v=A1FWQ-brF1U
http://www.youtube.com/watch?v=BWWSvDhZZBs
Ka-lé La cérémonie du bonheur, CD, Disques VDE-Gallo, Musée d’ethnographie, Genève.
Lucie Rault-Leyrat, « Chine. Ka-lé. La Cérémonie du Bonheur, Musique des marionnettes à fils de Quanzhou (Fujian) », Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 10 | 1997, mis en ligne le 06 janvier 2012, consulté le 31 octobre 2013. URL : http://ethnomusicologie.revues.org/935