Flâner dans la rue Dinhuisi Xiang (定慧寺巷)à Suzhou (province du Jiangsu), comme je l'ai fait aujourd'hui, c'est tout d'abord fuir l'agitation de la trop touristique Pingjiang lu (平江路). C'est surtout profiter du calme d'un très beau site datant de la dynastie Song (982) avec les Pagodes jumelles, hautes de plus de trente mètres et de forme octogonale, de leur jardin remarquable et d'un très beau temple bouddhiste situé quelques mètres plus loin. Cette partie de la ville dont le renom est dû aux nombreux poètes et calligraphes qui y vécurent au cours des derniers siècles, est l'une des plus paisibles.
Un petit violon à trois cordes, un luth et un éventail pour homme, voilà les trois accessoires indispensables pour engager un Pingtan, c'est-à-dire un dialogue chanté comme il se pratique depuis quatre siècles à Suzhou (province du Jiangsu). Déclamé en dialecte local, il se nourrit d'histoires anciennes, de joutes verbales et de jeux de mots.
Le petit musée installé dans l'ancienne demeure de la famille Shen à Suzhou permet d'assister à une représentation et de découvrir l'histoire de cet art. Difficile toutefois d'en apprécier la finesse en raison de l'obstacle de la langue auquel se heurtent y compris les Chinois natifs d'autres provinces.
Comme les autres jardins classiques de Suzhou (province du Jiangsu), le Pavillon de la Vague bleue (Canglang Ting) fait partie des jardins de la ville classés au Patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1997. Les bâtiments de cette résidence princière datent du XIe siècle mais ils ont été reconstruits à plusieurs reprises. Le jardin est l'un des plus anciens de Chine. Je le visite en ce début avril et les glycines, les azalées, les jasmins et les camélias m'ont donné rendez-vous !
La cuisine de rue à Suzhou est tout à la fois attirante et déroutante pour tout étranger en balade dans la « Venise de la Chine »: grillades d’intestins de canard, tofu puant, jus de fruit à la jujube, boules de pâte de riz au sésame, petites bouchées farcies aux haricots rouges, galettes cuites au four et farcies à la viande ou aux petits légumes, pattes de poulet pimentées, etc, etc. Tout pour plaire ou faire la grimace !
Le savoir-faire des fabricants d'éventails de Suzhou attire de nombreux Chinois, hommes et femmes, désireux d'avoir un éventail personnalisé, comme celui fabriqué sous nos yeux, à la demande d'un homme d'une quarantaine d'années.
Il suffit pour cela de choisir d'abord sa monture parmi une large gamme de possibilités (bambou tachété, ébène, bois de santal, etc) qui peut être incrustée de pierres ou ciselée. Ensuite vient le décor : calligraphie de poèmes anciens ou de paroles de sages, peintures traditionnelles fixées sur de la soie ou du papier de riz. L'assemblage est réalisé avec soin. Selon la qualité des matériaux retenus et du talent du peintre ou du calligraphe, l'éventail vaudra au final quelques centaines ou plusieurs milliers de yuans...
La légende dit que c'est un moine qui fabriqua la première théière avec l'argile mauve (zi sha) de Yixing (province du Jiangsu).
Très chargée en fer, poreuse, offrant une bonne résistance aux chocs, et conservant bien la chaleur, l'argile de Yixing est travaillée depuis le Xe siècle (dynastie Ming) par les potiers locaux pour fabriquer des théières, devenues objets de collection dans toute la Chine et même hors de ses frontières.
La tendance humaine à se soumettre à l’autorité, comme l’a démontré en 1962 par une série d’expérimentations le chercheur américain en sciences sociales Stanley Milgram avec sa célèbre et pas moins terrible « expérience de Milgram » est-elle à l’origine du « massacre de Nankin » (en chinois Nanjing datusha) commis par l’armée impériale japonaise en décembre 1937 lors de l’occupation de la ville, alors capitale de la République de Chine ? Le très intéressant film de Michael Almereyda, qui vient de sortir en France, consacré à la vie du chercheur, pourrait en fournir effectivement une explication puisque dès l’occupation de Nankin par les forces japonaises, l’ordre fut donné de « ne faire aucun prisonnier de guerre » et donc de « les tuer tous ». Les chiffres sur le nombre de victimes ne font pas l’unanimité. Ils vont de 38 000 à 400 000 selon les sources. La Chine a retenu le chiffre de 300 000 morts sans compter le nombre inégalé de femmes et de jeunes filles violées (les estimations vont de 20 000 à 80 000 femmes violées).
Au XIXe siècle, Nanjing devint la capitale des Taipings qui réussirent à s'emparer de la majeure partie de la Chine méridionale. La révolte des Taipings (1851-1864), inspirée par la foi chrétienne était farouchement anti-Mandchous. Son leader, Hong Xiuquan, fonda le Taiping Tianguo (royaume céleste de la Grande Paix). Il interdit l'opium, la mixité et tenta une redistribution de la propriété privée. En 1864 les forces de l'armée Qing, des soldats britanniques et des mercenaires américains et européens encerclèrent Nanjing, la capitale des Taipings. Après un siège de sept mois, elles prirent la ville et massacrèrent les défenseurs Taiping. Près de vingt millions de Chinois moururent au cours de cette guerre civile. Dans son livre "Les tribulations d'un Chinois en Chine" (une très bonne lecture !), Jules Verne met en scène le personnage d'un ancie Taiping.
Si les étrangers viennent guère à Nanjing (Nankin), les visiteurs chinois sont nombreux à se rendre dans cette ancienne capitale de la Chine, située dans la province du Jiangsu. Elle fut la capitale de l'Empire du milieu sous la dynastie Ming (1368-1644) puis de la République de Chine. C'est aussi là que fut signé le premier des "traités inégaux" ouvrant plusieurs ports chinois au commerce étranger et contraignant la Chine à payer une énorme indemnité de guerre et cédant Hong-Kong aux Britanniques. Nanjing fut aussi la capitale des Taipings. Mais pour les Chinois d'aujourd'hui c'est surtout la ville martyrisée par les Japonais en décembre 1937. Ils y massacrèrent 300 000 personnes. Le mémorial du massacre de Nankin (photos) attire des foules considérables de Chinois,signe que les plaies sont mal refermées, d'autant que le Japon n'a pas présenté les excuses que la Chine attend.