C'est le moyen pour moi d'échanger sur la Chine, de faire partager mes voyages en Chine, des lectures sur la Chine, des analyses, des impressions, d'aller au-delà des peurs qu'inspire ce grand pays si entreprenant en essayant de comprendre ses propres craintes, ses propres défis mais aussi de pointer les questions qu'il soulève. Nous aurons peut-être ainsi l’occasion de faire un bout de chemin ensemble.
Une des pages les plus tragiques de l'histoire moderne de la Chine, sur laquelle le gouvernement chinois continue de rester muet...
Extrait de Stèles, la Grande Famine en Chine (1955-1961), de Yang Jisheng, Seuil, 2008, p.23
"36 millions de morts de faim [en Chine entre 1955 et 1962, chiffre établi selon diverses sources], qu'est-ce que cela représente ? Cela équivaut à 450 fois le nombre de morts le 9 août 1945 sous la bombe atomique de Nagasaki. Cela représente 150 fois le nombre de victimes du tremblement de terre de Tangshan le 28 juillet 1976. Cela dépasse le nombre de morts de la Première Guerre mondiale qui n'a fait "que" 10 millions de morts entre 1914 et 1918, soit en moyenne moins de deux millions de morts par an.
Au cours de la seule année 1960, en Chine, 15 millions de personnes sont mortes de faim. La Grande famine a été de loin beaucoup plus meurtrière que la Seconde Guerre mondiale (relativement parlant). Celle-ci a fait entre 40 et 50 millions de victimes en Europe, en Asie et en Afrique sur une période de sept à huit ans alors que les 36 millions de morts de la famine chinoise ont péri sur une période de trois ou quatre ans - la plupart étant concentrés sur une période de six mois.
C'est un nombre qu'aucune famine dans l'histoire de la Chine n'approche, même de loin: la plus meurtrière enregistrée est celle de 1928-1930 qui avait affecté vingt-deux provinces. Le nombre de victimes avait dépassé tous les records historiques, mais il n'était "que" de dix millions. Dans les dix-sept années entre 1920 et 1936, le nombre de victimes de famines liées aux catastrophes naturelles s'élève à 18,3 millions. [...]
Il n'y eut ni pleurs, ni lamentations, ni funérailles en robe de chanvre blanche [tenue traditionnelle de deuil, avec pétards et papier-monnaie, ni condoléances, ni chagrin, ni larmes, ni choc, ni terreur. Quelques dizaines de millions d'hommes ont disparu comme cela, sans un bruit, sans un soupir, dans l'indifférence ou l'hébétude."