C'est le moyen pour moi d'échanger sur la Chine, de faire partager mes voyages en Chine, des lectures sur la Chine, des analyses, des impressions, d'aller au-delà des peurs qu'inspire ce grand pays si entreprenant en essayant de comprendre ses propres craintes, ses propres défis mais aussi de pointer les questions qu'il soulève. Nous aurons peut-être ainsi l’occasion de faire un bout de chemin ensemble.
Voici, à propos des lotus de Chine, un texte du Père Huc (1813-1860) (photo), extrait de "L'Empire chinois" repris dans "La Chine vue par les écrivains français- Anthologie", ouvrage paru en 2014 aux éditions Bartillat. (L'auteur emploie le terme de nénuphar dans son texte, terme qui en français désigne aussi bien des plantes appartenant à la famille des Nelumbonacées (c'est le cas du lotus sacré, ici en photo, que des plantes de la famille des Nymphenacées).
Le Père Huc (1813-1859)
" Les Chinois distinguent quatre espèces de nénuphar : le jaune, le blanc et rouge à fleurs simples, le blanc et rouge à fleurs doubles, et le rouge pale. Cette plante se multiplie par les semences, mais plus aisément et promptement par les racines; elle ne demande aucune sorte de culture. Il n'est rien de comparable à l'effet que produit le nénuphar sur les étangs et les grands bassins. Il ne pousse guère que vers la fin de mai; mais sa germination est rapide, et ses grandes feuilles, collées sur la surface de l'eau, ou majestueusement élevées à diverses hauteurs, forment des tapis de verdure. D'un aspect ravissant, surtout lorsqu'ils sont émaillés de fleurs de diverses couleurs. Comme elles sont plus grosses que des pavots, d'un blanc ou d'un rouge éclatant, elles tranchent magnifiquement sur le vert des feuilles. Les jeunes poètes chinois aiment beaucoup chanter les promenades en bateau, au clair de la lune, sur les étangs bordés de nénuphars en fleurs, et illuminés par des essaims de lucioles et de mouches phosphorescentes.
Le nénuphar est surtout remarquable au point de vue utilitaire; ses graines se mangent comme les noisettes en Europe. Cuites à l'eau et au sucre, elles font les délices des gourmets. Sa gigantesque racine (photo) est d'une grande ressource pour les préparations culinaires; de quelque manière qu'on l'arrange. Elle est très saine et d'un goût excellent. Les Chinois en font macérer au sel et au vinaigre des provisions considérables pour manger avec le riz; réduite en fécule, on peut en composer de délicieuses bouillies au lait ou à l'eau. Pendant l'été, on la mange crue en guise de fruit et elle est très rafraîchissante. Les feuilles, enfin, sont d'un grand usage pour envelopper toute espèce d'objet et, lorsqu'elles sont desséchées, on les mêle volontiers au tabac à fumer pour en adoucir la force."
Dans la culture chinoise, la fleur de lotus est associée à l'idée de pureté, de beauté et de noblesse.
Pour les bouddhistes, elle est associée à la possibilité d'"éveil". La fleur du lotus est le symbole de l'accomplissement spirituel de l'être, de la pureté de l'esprit. Sa graine germe dans la boue et fait émerger une plante qui va grandir pour finalement sortir de l'eau boueuse et faire éclore une fleur magnifique dans la clarté du jour. Dans la croyance bouddhiste, tout comme le lotus, dans son cheminement vers l'éveil, l'esprit, initialement emprisonné dans le tourment boueux des pensées, se libère peu à peu de ces dernières pour atteindre l'état de pure clarté.
En Chine, le "sûtra du lotus" est classé comme étant le plus important par le grand maître Tiantai (538-597) qui contribua fortement à la diffusion du bouddhisme en Chine. Le sûtra du lotus est le seul, parmi les enseignements du bouddha Shakyamuni à affirmer que l'"illumination", le stade suprême du bouddhisme, est possible à tous sans distinction de race, de sexe, de statut social ou d'éducation.