C'est le moyen pour moi d'échanger sur la Chine, de faire partager mes voyages en Chine, des lectures sur la Chine, des analyses, des impressions, d'aller au-delà des peurs qu'inspire ce grand pays si entreprenant en essayant de comprendre ses propres craintes, ses propres défis mais aussi de pointer les questions qu'il soulève. Nous aurons peut-être ainsi l’occasion de faire un bout de chemin ensemble.
Le 8 août 1966, le Comité central du Parti communiste chinois décida de lancer la « Révolution culturelle » comme nouvelle étape de la révolution socialiste, avec pour mot d’ordre : « combattre et écraser ceux qui détiennent des postes de direction mais se sont engagés dans la voie capitaliste ».
Mao Zedong s’appuie dans l’armée sur Lin Biao qui fait de plus en plus ouvertement figure de dauphin. Madame Mao (Jiang Qing) développe des positions ultra-gauchistes, en particulier dans le domaine culturel (elle transformera quatre pièces traditionnelles de l’Opéra de Pékin en diatribes révolutionnaires qui seront bientôt les seuls spectacles autorisés). Le maire de Pékin, Peng Zhen , est accusé de critiquer la pensée de Mao Zedong sur l’art et la culture. Il disparaît progressivement de la vie officielle.
Le chef de l’Etat Liu Shaoqi devient la nouvelle cible alors que Mao, après une retraite de plusieurs mois, revient très en forme après une traversée à la nage très médiatisée du fleuve Yang-Tsé. A son tour, il est éliminé de la scène.
A la fin de l’année 1966, Mao a éliminé ses rivaux potentiels. Zhou Enlai arrive à conserver sa confiance.
Les Gardes rouges, étudiants gardiens de la révolution communiste, sont constitués au printemps 1966 et il est légalement interdit de s’opposer à leur action. Mao leur demande de « mettre à bas les autorités engagées dans la voie capitaliste ». Mais cela dégénère et un vent de folie s’abat sur le pays. Les lycéens et les étudiants, convaincus de remplir une mission pour le salut du régime, commettent rapidement les pires excès contre les « ennemis de classe ».
La « pensée de Mao Zedong » est alors présentée par le Parti comme le guide d’action de la Révolution culturelle. Avec le Petit livre rouge diffusé à des millions d’exemplaires, l’étude des œuvres du Président Mao devint systématique chez les ouvriers, les paysans, les soldats, les cadres et les intellectuels. L’objectif est alors de prévenir le révisionnisme et la restauration du capitalisme, projet prêté au président Liu Shaoqi.
A la fin de l’année 1968, le président Mao lança une campagne qui allait changer profondément le pays : les universités furent fermées et les « jeunes intellectuels » c’est-à-dire les lycéens qui avaient fini leurs études secondaires, furent envoyés à la campagne pour être « rééduqués par les paysans pauvres ». Des convois militaires exilent les Gardes rouges dans les régions les plus reculées. La vraie raison qui poussa Mao Zedong à prendre cette décision reste obscure : voulait-il en finir avec les Gardes rouges qui commençaient à échapper à son contrôle ? ou était-ce le souhait de créer une nouvelle génération ? Mao haïssait-il les intellectuels ? Une génération entière a été marquée par ce mouvement des Gardes rouges et l’envoi à la campagne des jeunes instruits.
En octobre 1968, le Comité central du PCC retira tous ses titres à Liu Shaoqi qui mourra quelques mois plus tard en prison.
Les anciens cadres civils sont envoyés en rééducation dans les « Ecoles du 7 mai » tenues par l’Armée populaire que contrôle Lin Biao, où la discipline est draconienne.
En avril 1969 se tient le neuvième Congrès du Parti. Lin Biao dresse le bilan de la Révolution culturelle. Il s’agit toujours d’étudier la pensée de Mao. La succession est organisée en faveur de Lin Biao Les militaires sont omniprésents. De son côté, Zhou Enlai, soutenu par la majorité de l’ancienne administration et du gouvernement souhaite mettre fin aux excès de la Révolution culturelle et relancer le pays sur le plan économique.
L’état de santé de Mao se dégrade et la lutte pour sa succession est lancée. Lin Biao va trop vite et irrite Mao. Le 13 septembre 1971, il meurt dans un accident d’avion en Mongolie alors qu’il cherche à s’enfuir vers l’URSS après l’échec d’une tentative de coup d’Etat.
Zhou Enlai, toujours premier ministre, a la voie libre pour mettre fin aux excès de la Révolution culturelle et en rétablissant au plus vite la l’organisation du Parti et du gouvernement. Beaucoup d’anciens membres du Pari, qui avaient été purgés, refont surface, en particulier Deng Xiaoping, nommé vice-premier ministre en avril 1973. Les anciens partisans de Lin Biao sont démobilisés.
Quelques universités rouvrent leurs portes entre 1971 et 1973.
Atteint d’un cancer, Zhou Enlai sort de sa discrétion légendaire. Il veut remettre la Chine sur les rails et endiguer les derniers sursauts des extrémistes de gauche avant de remettre les rênes du pouvoir à Deng Xiaping.
A partir de 1974, Mao et Zhou Enlai sont de plus en plus malades. Ils mourront tous les deux en 1976. EN 1975, Zhou Enlai précise sa vision pour l’avenir loes de la session de l’Assemblée nationale qui se réunit en janvier 1975 : établir avant 1980 « un système industriel et un système d’économie nationale indépendants et relativement complets » et avant la fin du XXe siècle, porte l’économie chinoise « aux premiers rangs du monde » grâce aux « quatre modernisations » (de l’industrie, de l’agriculture, des sciences et techniques et de la défense).
A la fin des années 1970, après l’arrestation de la « Bande des Quatre », le mouvement ultra-gauchiste dirigé par Madame Mao, le parti communiste décida de gracier tous les Gardes rouges qui avaient été des membres ordinaires et d’absoudre tous ceux qui étaient encore lycéens en 1966, quelles qu’aient été leurs actions mais la plupart des anciens Gardes rouges ont vu leur carrière bloquée avant l’accès aux postes de direction.
Notre conseil : Le succès remporté par le maoïsme et la Révolution culturelle en France ne doit pas faire oublier que cette période de l’histoire a été vécue comme un enfer par une grande majorité de Chinois.
EN SAVOIR PLUS :
La Chine, de Jean-Luc Domenach et Philippe Richer, lire le chap.. « Genèse et échec de la Révolution culturelle », p. 286-287
De la révolution culturelle au Xe Congrès du Parti communiste, de Gilbert Mury (deux tomes), coll.10-18. Union générale d’éditions, 1973.