C'est le moyen pour moi d'échanger sur la Chine, de faire partager mes voyages en Chine, des lectures sur la Chine, des analyses, des impressions, d'aller au-delà des peurs qu'inspire ce grand pays si entreprenant en essayant de comprendre ses propres craintes, ses propres défis mais aussi de pointer les questions qu'il soulève. Nous aurons peut-être ainsi l’occasion de faire un bout de chemin ensemble.
Lisant l'ouvrage de Claude Roy Sur la Chine (Gallimard, 1979) dans lequel ce passionné de Chine réunit tous ses articles consacrés à l'Empire du milieu, je découvre un auteur remarquable du XVIIe siècle, complètement inconnu de moi, Pu Songling (蒲 松岭 - 1622-1715) qui consacra sa vie à recueillir les contes et légendes de la Chine ancienne. Resté dans l'ombre de son vivant, Pu connut une immense gloire à titre posthume après la publication à partir de 1740 du Liaozhai zhiyi (en chinois 聊斋 志异), publié en français sous le titre Chroniques de l'étrange (éd. Picquier Poche). Voici ce qu'en disait Claude Roy.
Pu Songling fut un auteur ignoré de son vivant. Sa gloire extraordinaire dans son pays ne fut que posthume. Son propos devait susciter les haussements d'épaules ou le dédain des contemporains de la caste des lettrés : noter les récits et les contes que des amis informateurs moissonnaient pour lui, les mettre en forme, donner au légendaire populaire la perfection d'une œuvre littéraire, cela devait paraître une activité surprenante à des esprits formés à la lecture et au commentaire du canon des livres sacrés, des grands poètes classiques et des traités célèbres. Une activité surprenante et pas sérieuse. La preuve, d'ailleurs, c'est que Pu Songling ne réussit jamais à franchir au-delà des prémisses le cap des fameux examens qui ouvraient les brillantes carrières de la bureaucratie céleste [...]. Autour de Pu les demoiselles-renards, les revenants malins, les génies de l'eau, les moines un peu sorciers et les sorciers un peu saints veillaient, souriant à l'idée que l'immortalité qui leur était contestée par le cours inexorable des choses, le pinceau du vieux Pu la leur assurerait pourtant. Pu mourut à quatre-vingt-treize ans, sûrement pas rassasié de merveilleux. Il y avait trente-six ans qu'il avait entrepris sa grande récolte de contes. Son petit-fils, en 1740, fit imprimer le manuscrit. Puis, un siècle plus tard, un commis de la gabelle, homme riche et cultivé, fit réimprimer à ses frais les volumes devenus introuvables, mais déjà célèbres. L'édition assurée par Deng Meng-lai parut en 1842 à Pékin et ne cessa depuis d'être réimprimée.