C'est le moyen pour moi d'échanger sur la Chine, de faire partager mes voyages en Chine, des lectures sur la Chine, des analyses, des impressions, d'aller au-delà des peurs qu'inspire ce grand pays si entreprenant en essayant de comprendre ses propres craintes, ses propres défis mais aussi de pointer les questions qu'il soulève. Nous aurons peut-être ainsi l’occasion de faire un bout de chemin ensemble.
1.Salle dédiée au culte des ancêtres dans une maison du vieux village de Tuanshan, près de Jianshui, dans le sud de la province du Yunnan. Le tableau représente l'arbre généalogique de la famille. 2. Détail de la photo indiquant les lignées familiales.
Nulle part dans le monde peut-être, les relations personnelles ne sont aussi importantes et aussi contraignantes qu’en Chine. La parenté et l’amitié sont la double pierre angulaire de la structure sociale chinoise. L’amitié naît de toutes sortes de rencontres fortuites, la parenté se tisse au degré le plus éloigné. Dajia, grande famille en chinois, suggère une famille puissante, généreuse et solidaire.
En Chine, la Grande famille, c’est le noyau, l’unité de la vie chinoise. Traditionnellement, comme l’explique Han Suyin, dans Destination Tchoungking le clan vivait réuni dans la même demeure, sous une foule de toits accolés, dans les multiples cours communicantes groupés autour de la salle haute où l’on vénère les tablettes des ancêtres. « Même si la Grande famille se trouve éparpillée par l’émigration, la guerre ou les affaires, les fils et les filles, jusqu’à la troisième génération née en exil, n’appelleront jamais la demeure ancestrale autrement que « la maison » et pourront y revenir et y trouver bon accueil au bout de cent ans. Sous les larges toits de la Grande famille, il y a toujours des hôtes. Ce ne sont peut-être que des parents éloignés ou encore des « frères et sœurs secs », enfants d’une autre famille « qui se sont inclinés devant les tablettes ancestrales de votre foyer, ont fait des offrandes et, grâce à ce cérémonial, se sont placés sous la protection de votre demeure. Dorénavant, ils participent aux privilèges des liens de sang. Il peut s’agir d’amis ou d’étrangers porteurs de lettres d’introduction de la part d’autres amis. Ils sont tous assurés de votre hospitalité, aussi longtemps qu’ils en auront besoin », écrit Han Suyin.
Le culte des ancêtres joue, depuis les temps les plus anciens, un rôle capital dans la pensée et dans les pratiques religieuses de la civilisation chinoise. La religion populaire a toujours perduré même en cohabitant avec des clergés taoïste, bouddhiste, islamique, catholique ou marxiste. De par sa proximité avec la pensée confucéenne qui insiste sur la piété des fils envers leurs pères, le culte des ancêtres est une pratique immémoriale en Chine. Ce culte est supposé entretenir les liens de communication entre les vivants et les morts. L'ancêtre se voit offrir des sacrifices de nourriture au moment des fêtes (comme la fête des morts) parfois de l'anniversaire du défunt ou de l'ancêtre légendaire d'une famille (fréquent dans l'aristocratie) et offrir des bouchées avant les repas.
La tablette funéraire de l'ancêtre se trouve traditionnellement dans une salle prévue à cet effet à l'intérieur de la maison (photos), tandis que le temple ancestral est situé au sud du côté est de la cour. Il est de coutume de brûler de l'encens et du papier-monnaie. Des visites à la tombe ancestrale font aussi partie du culte, particulièrement pour le nettoyage au moment de Qingmingjie, la fête des Morts.
La nomenclature même de la parenté reflète le sens chinois de la solidarité familiale. Les enfants de vos frères, en fait vos cousins germains, sont considérés comme vos frères et sœurs. A partir du premier né, on les numérote dans l’ordre comme « les fils et les filles de la famille », sans s’occuper de leurs pères individuels.
Parmi les ancêtres, on ne compte pas seulement la ligne directe. Le grand-père direct est appelé « Premier Grand-père » mais ses frères ne sont pas appelés grands-oncles mais Second et Troisième Grand-Père, par rang d’âge. Les prénoms qui s’ajoutent au système numérique indiquent également le degré de parenté. Tous les enfants d’une même génération reçoivent des prénoms qui ont un ou deux caractères en commun. Au cours d’une vie, on peut porter des noms variés. Un nom de bébé, un nom d’écolier, un nom officiel, mais à l’intérieur de la famille, le prénom dont la syllabe est commune à tous les frères et sœurs vous reste pour la vie. Ce caractère propre à une génération donnée est décidé longtemps à l’avance et choisi par rapport à des significations philosophiques et religieuses compliquées. Tous ces membres de la Grande famille sont liés par un nom de famille transmis par la lignée mâle. Les filles entrent dans la famille de leur mari mais restent les filles de leur propre famille.
En Chine, les noms de famille sont beaucoup moins nombreux que dans d’autres pays. Il y en a deux ou trois cents. Mais la moitié au moins des habitants de la Chine s’appellent Wang, Chen, Liu, Li, Chang, Yang ou Wu.