C'est le moyen pour moi d'échanger sur la Chine, de faire partager mes voyages en Chine, des lectures sur la Chine, des analyses, des impressions, d'aller au-delà des peurs qu'inspire ce grand pays si entreprenant en essayant de comprendre ses propres craintes, ses propres défis mais aussi de pointer les questions qu'il soulève. Nous aurons peut-être ainsi l’occasion de faire un bout de chemin ensemble.
La Chine s’apprête-t-elle à passer du rouge au vert ? Le discours prononcé par Xi Jinping lors de la 75e session de l’Assemblée générale des Nations unies, le 22 septembre, a soulevé de nombreux espoirs à travers le monde. A la surprise générale, le président chinois a annoncé que Pékin se fixait comme objectif de parvenir à la neutralité carbone à l’horizon 2060 et même à atteindre un pic de ses rejets de CO2 avant 2030 – et non plus « autour » de 2030, comme indiqué lors de son précédent plan climat.
Malgré le scepticisme de nombre de sinologues habitués aux discours sans lendemain des dirigeants communistes, cette annonce a incontestablement relancé une dynamique internationale. Si le premier pollueur de la planète – la Chine est responsable d’un quart des émissions de gaz à effet de serre – s’engage réellement en faveur du climat, tout est possible. D’ailleurs, dans le sillage de Pékin, le Japon, immédiatement suivi par la Corée du Sud, s’est engagé fin octobre à atteindre cette neutralité carbone dès 2050. « Une énorme victoire pour la planète », s’est félicité Greenpeace, peu habituée à tresser des lauriers à ces trois gros pollueurs.
Depuis, Xi Jinping a même pris d’autres engagements pour 2030. Le 12 décembre, lors d’un nouveau sommet virtuel de l’ONU sur le climat, le dirigeant chinois a annoncé que son pays réduirait son intensité carbone (émissions de CO2 rapportées au PIB) de « plus de 65 % » d’ici à 2030 comparé au niveau de 2005. Par ailleurs, les énergies renouvelables représenteront « environ 25 % » de la consommation d’énergie primaire de la Chine d’ici à 2030 contre 15,3 % fin 2019, en incluant le nucléaire. La capacité des centrales éoliennes et solaires atteindra 1 200 gigawatts d’ici à la fin de la décennie. Enfin, Xi Jinping, qui a tenu à préciser que « la Chine tient toujours ses engagements », a annoncé que son pays augmenterait le volume des stocks forestiers de 6 milliards de mètres cubes par rapport au niveau de 2005 d’ici à 2030.
Incontestablement, les objectifs chinois sont ambitieux. L’énergie, en Chine, est entrée à son tour dans une « nouvelle ère » pour reprendre le titre du Livre blanc publié à son sujet le 22 décembre. Le préambule de ce document est sans ambiguïté : la Chine « accélère sa transformation vers le développement vert et bas carbone de l’économie et de la société ».
Mais peut-elle tenir ses promesses ? Si le Livre blanc détaille tout ce qui a été fait depuis 2012, date de l’arrivée de Xi Jinping au pouvoir, il reste assez vague sur les moyens que la Chine compte mettre en œuvre pour parvenir aux objectifs fixés. Selon Ding Zhimin, ancienne responsable de l’Administration nationale de l’énergie, la facture pour atteindre la neutralité carbone atteindrait 16 000 milliards d’euros.
Il faudra aussi, selon ses propos rapportés par le South China Morning Post, réduire la part du charbon dans le mix énergétique à moins de 5 %. Une gageure. Bien qu’en diminution de 10 points depuis 2012, cette part atteint encore 57,7 % et, selon les experts du Global Energy Monitor et du Centre for Research on Energy and Clean Air (CREA),la seule augmentation prévue des capacités de production des centrales au charbon en Chine dépasse la capacité actuelle de l’ensemble des centrales au charbon des Etats-Unis.
Le Livre blanc met d’ailleurs à plusieurs reprises l’accent sur les promesses du « charbon propre », ce qui laisse penser que cette source d’énergie a encore de beaux jours devant elle. Qu’une vague de froid s’abatte sur le pays, comme c’est le cas ces dernières semaines, et immédiatement Pékin « demande aux grandes provinces productrices de charbon comme le Shanxi, le Shaanxi et la Mongolie intérieure de renforcer la production, d’augmenter les stocks de charbon dans les centrales électriques et d’augmenter la fourniture de charbon dans les régions-clés », reconnaît le China Daily du mercredi 30 décembre.
L’année 2021 sera particulièrement intéressante à double titre. D’abord parce que la plupart des experts prévoient à nouveau une très forte croissance économique : environ 8 %. La demande va donc être forte et les émissions de CO2 également. Déjà en 2020, la Chine ayant enregistré une baisse de la croissance moins significative que le reste du monde, les émissions de CO2 d’origine fossile n’y ont baissé que de 1,7 %, alors qu’elles ont chuté, au niveau mondial, de 7 % selon le bilan annuel du Global Carbon Project (GCP). Surtout, le parlement chinois devrait adopter en mars le quatorzième plan quinquennal (2021-2025). Celui-ci reste habituellement assez général, mais est suivi de plans sectoriels plus précis.
Pour la première fois, le ministère de l’écologie et de l’environnement devrait publier un plan sur le changement climatique. « Travailler à la neutralité carbone » est l’une des huit priorités fixées par le pouvoir mi-décembre pour l’année 2021. Un « plan d’action » sera publié pour indiquer comment le pic d’émission de CO2 pourra être atteint « avant 2030 ».
Sachant que la Chine entend devenir une « nation modérément développée » en 2035 et donc poursuivre une croissance économique soutenue, l’après-pic ne devrait pas signifier une baisse rapide des émissions de CO2 mais plutôt « une diminution graduelle dans un état de stabilité », affirme le jargon gouvernemental. Dans le meilleur des cas, la Chine ne devrait donc être que modérément vert.