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Le Portrait de concubine, œuvre attribuée à Jean-Denis Attiret, Musée des Beaux-arts de Dole, milieu du XVIIe s., huile sur papier.

Si vous séjournez à Dole (Jura, France), ville natale du jésuite et portraitiste Jean-Denis Attiret (1702-1768), n'hésitez pas à  vous rendre au musée des Beaux-Arts de la ville pour y découvrir le portrait d'une des concubines devenue seconde épouse de l'empereur chinois Qianlong (1736-1797). Il compte parmi les plus réussis des quelque deux cents portraits réalisés par le missionnaire.

Pendant trente ans, ce simple frère de la Compagnie de Jésus fut en effet le peintre officiel de la cour du Fils du Ciel et devint même son ami. Repéré pour ses dons artistiques, ses supérieurs lui avaient demandé de rejoindre la cour de l'empereur céleste, ce qu'il fit en 1738. "Il m'a fallu oublier... tout ce que j'avais appris", écrivit-il. Il s'appropria de nouveaux supports tels que la gaze, la soie ou le papier huilé. Attiret a notamment travaillé à l'élaboration d'un programme décoratif dans l'un des palais d'été (aujourd'hui en ruines) et dans plusieurs résidences impériales. Violette Fris-Larrouy vient de lui consacrer un ouvrage : D'un soleil à  l'autre, Jean-Denis Attiret, missionnaire jésuite peintre de l'Empereur de Chine, paru en novembre 2017 aux éditions de la Bisquine (18 €). An Huo, le nom sinisé de Annie Huault, lui a également dédié un livre en 2016 : Le peintre de Qianlong, paru chez Bod. Signalons enfin le film de Charles de Meaux, Le portrait interdit, sorti sur les écrans en décembre 2017, qui met élégamment en scène le frère Attiret dans une fiction où le réalisateur lui prête une relation trouble avec la seconde épouse de l'empereur, Ulanara, objet du portrait exposé à Dole.

C'est surtout en cartographes et en mathématiciens férus d'astrologie que les Jésuites français ont réussi à s'implanter en Chine au XVIIe siècle à la suite de Matteo Ricci, l'inventeur de "l'évangélisation indirecte", fondée sur l'adaptation aux coutumes locales et la connaissance du mandarin. Le Roi Soleil avait longuement hésité avant de leur donner son accord.

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Le jésuite et savant italien Matteo Ricci (portrait de gauche), premier missionnaire admis à la cour impériale dès 1582.

Lecteur assidu des Lettres édifiantes et curieuses écrites des missions étrangères par quelques missionnaires de la Compagnie de Jésus, ouvrage publié en 1703, Voltaire n'avait pas manqué de réagir :"La fureur des prosélytes est une maladie particulière à nos climats; ainsi qu'on l'a déjà remarqué, elle a toujours été inconnue dans la haute Asie. Jamais ces peuples n'ont envoyé de missionnaires en Europe; et nos nations sont les seules qui aient voulu porter leurs opinions, comme leur commerce, aux deux extrêmités du globe".

Il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui, l'œuvre de Jean-Denis Attiret est un utile témoignage sur ces premières influences croisées entre les arts de la Chine et ceux de la France. C'est précisément l'objet du projet de thèse, annoncé en janvier 2015, de Charlotte Pageot (Université Rennes 2/Université Fudan de Shanghai) dans le cadre du groupe de recherche "Circulation interactive des savoirs".

 

Pour en savoir plus :

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