L’auteur de Le Président Mao est mort nous parle de son prochain roman et de l’état de la littérature en Chine.

Natif de la province chinoise du Hubei, Du Qinggang  est l’auteur du best-seller Le Président Mao est mort, paru en 2002 chez Desclée du Brouwer. L’écrivain, parfaitement francophone, est également le président de l’Institut des Langues étrangères de l’Université de Wuhan où il enseigne la littérature comparée. Il nous a reçu début mai dans son village natal de Xiong, où il vient régulièrement se ressourcer. Ce village est situé à 70 km de Wuhan, immense métropole industrielle de la Chine, aussi connue comme la « petite France », notamment pour la qualité de son enseignement du français et la présence du constructeur automobile PSA.

Le succès de votre ouvrage Le Président Mao est mort, paru en 2002 en France, a-t-il eu des conséquences sur votre vie d’écrivain ?

– Beaucoup de mes écrits sont de nature académique et sont donc peu lus. En revanche, après la publication de mon roman Le Président Mao est mort, j’ai reçu une cinquantaine de lettres de lecteurs. En France il s’est classé parmi les vingt meilleures ventes de l’année 2002. En tant qu’auteur, j’ai été moi-même classé neuvième, deux ou trois rangs devant Patrick Modiano [prix Nobel de littérature 2014], un écrivain que j’apprécie beaucoup. D’ailleurs, à l’Université de Wuhan où j’enseigne, deux doctorants travaillent sur Modiano actuellement.

Vous préparez un ouvrage qui devrait lui aussi être publié en France. Que pouvez-vous nous en dire ?

– Il s’agit d’un livre qui porte sur l’écriture de manière générale. Plus précisément, mon approche est la « caractérologie », un mot que j’ai inventé pour désigner l’art de lire le destin, le passé de quelqu’un dans les traits  d’un caractère chinois. L’essentiel pour moi n’est pas de déchiffrer le destin de mes personnages mais de dévoiler les charmes de l’écriture chinoisevet ses liens avec la philosophie et plus largement avec la culture de mon pays. Plusieurs chapitres portent sur la comparaison entre les deux cultures chinoise et française. Pour ce livre, qui est un roman, j’ai inventé un lieu et cinq personnages principaux. Tout le livre est bâti autour de cinquante caractères chinois et de quelques mots français. Le livre devrait paraître l’an prochain. Philippe Le Clezio m’a dit qu’il le recommanderait à Gallimard.

Quels sont les écrivains français les plus influents aujourd’hui en Chine ?

– L’an dernier, à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine, il a été demandé aux Chinois de dire quels étaient les dix ouvrages français qu’ils préféraient. Le résultat est le suivant : L’Esprit des lois de Montesquieu, Du contrat social de Rousseau, Les Misérables de Victor Hugo, La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils (il s’agit du premier roman étranger traduit en chinois et il a remporté un succès considérable !), Le Père Goriot de Balzac, Le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas, Jean-Christophe de Romain Rolland, Le Rouge et le Noir de Stendhal, L’Ancien Régime et la Révolution d’Alexis de Tocqueville et Le Petit Prince de Saint-Exupéry. À cette liste, je voudrais ajouter pour ma part Sartre et Camus ainsi que les poètes Baudelaire et La Fontaine.

Que pensez-vous de la création littéraire en Chine aujourd’hui ?

– La Chine possède bien sûr une très riche tradition littéraire. Le premier texte littéraire écrit en français date de l’an 834. Il s’agit du Serment de Strasbourg, suivi par la Séquence de Sainte Eulalie, premier texte poétique paru en langue française en 881. En Chine, à cette époque, c’est la dynastie des Tang qui est au pouvoir et c’est l’âge d’or de la poésie. Cet art atteint alors un sommet que les Chinois n’arriveront plus à dépasser. À l’époque contemporaine, depuis la politique d’« ouverture », la Chine compte de nombreux écrivains. Dans la province du Hubei, on peut citer Fang Fang ou encore Liu Xinglong. Au niveau national, il y a bien sûr Mo Yan [Prix Nobel de littérature en 2012] et aussi Jia Pingwa, auteur de La Capitale déchue [paru chez Stock en 1997]. L’ouvrage a obtenu le Prix Femina de littérature étrangère. J’aime beaucoup ce livre. Il permet de connaître la vie des intellectuels à cette époqie. Aujourd’hui, nous avons beaucoup d’écrivains. Malheureusement, avec le développement des médias numériques, les gens lisent de moins en moins de textes littéraires. Nos lectures sont plus larges. Mais il faut bien admettre que lire sur nos portables, lire sur les réseaux sociaux, ce n’est pas lire de la littérature même si cela fait partie du développement du pays. Quoi qu’il en soit, la littérature se porte bien.

Propos recueillis par Sylvie Bourinet